D'aussi loin que je m'en souvienne, je n'ai connu que les Lómenduil. Constitué de femmes sorcières, ce groupe m'a élevé selon leurs coutumes dès mon plus jeune âge. Elles n'étaient pas que des mères pour moi. C'était également elles qui m’apprenaient à quel point le monde était dur et à quel point il fallait se battre pour y survivre. Sans cesse on me répétait que c'était à cause du roi qui régnait sur Camelot. Elles le détestaient. Je me rappelle encore de la lueur de rage qui brillait dans leurs yeux à chaque fois que l'une d'elles prononçaient le nom d'Uther Pendragon. Quand j'eus appris à écrire et à lire, quand je fus libre de m'exprimer correctement, ces femmes décidèrent qu'il était temps d’entamer ma formation. J'en étais fière. Toute ma vie on m'avait préparée à cela. Les sœurs Lómenduil m'apprirent la douleur. Je fus torturée sans relâche. Lorsque l'épuisement me guettait, elles redoublaient d'efforts, m'empêchant de m'assoupir n'aurait-ce été qu'une minute. Aujourd'hui je leur suis reconnaissante de m'avoir appris à contrôler la douleur. Je ne suis pas aussi faible que j'aurais pu l'être si quelqu'un d'autre m'avait enseigné l'art de vivre ! Je dû ensuite me confronter à l'art de me battre. On m'apprit le maniement des armes blanches et de l'arc. Je n'avais de cesse de m'entraîner, combattant la fatigue et la douleur d'une éventuelle foulure. Le moindre signe de faiblesse aurait pu me faire revenir droit à la salle de torture. Je devais me montrer forte pour plaire à mes mères de substitution ! Je devais me montrer habile mais aussi légère et rapide. Les sœurs me répétaient sans cesse qu'il était dans ma nature d'être forte, qu'il fallait simplement que je le décide et que je laisse mon pouvoir me guider. Je ne comprenais pas de quoi elles parlaient. Cette attraction que je provoquais ne m'étais pas étrangère et elle me semblait normale. Je vivais entourée de femmes qui m'interdisaient de les toucher.

Je me réveillais un soir, couverte de sueur, le teint blafard et toute affaiblie. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. C'était un sentiment étrange. Comme une faim qui ne pouvait s'apaiser. J'aurais très bien pu manger plusieurs buffets tout entier que jamais je n'aurais été rassasiée. Cette douleur... je n'y avais pas été préparée. Lentement, je me glissa en dehors de ma fine couverture. Mon entraînement touchait bientôt à sa faim. La mère suprême avait dit qu'il ne me restait plus qu'une chose à faire pour faire partie des leurs. Mais je n'eus jamais l'occasion de suivre les ordres des Lómenduil. Je me sentais perdue. Tout semblait avoir plus de force autour de moi. Le peu de lumière renvoyée par la lune me semblait insupportable. Le moindre bruit me tétanisait. J'avais faim. Mais jamais je n'avais connu une chose pareille à celle-ci. Une telle soif ne pouvait être normale. Doucement, ma tête tournant énormément, j'avais gravi les quelques marches qui m'avaient conduite jusqu'à la chambre de l'une des sœurs. J'avais tenté de l'appeler à l'aide mais ma gorge s'était refermée net, tel un étau, ce qui m'avait fait taire sur le champ. Et c'était peut-être mieux ainsi. De cette façon, je n'avais pas eu à montrer à sœur Morgane que j'étais faible et impuissante. Pourtant, mes jambes ne l'entendaient pas de la même façon. Très vite, elles cédèrent sous mon poids frêle et je m'étalais à terre, me servant de mes bras pour me rattraper au bord du lit. Je saisis alors le bras de la jeune femme pour la réveiller mais je m'interrompis soudain dans mon mouvement. Mes yeux venaient brusquement de me brûler. Je les ouvris et l'espace d'un instant, ma vue se teinta de rouge. En réalité, mes yeux s'étaient voilés d'une couleur rouge qui tirait ici et là sur le noir. Sœur Morgane ouvrit elle aussi les yeux et je pus observer le même phénomène avoir lieu dans son regard. L'instant suivant, la belle brune me demandait ce qu'elle pouvait faire pour combler tous mes désirs. Impuissante, je laissa mon instinct me guider. Il me commandait de l'embrasser. J'étais irrémédiablement attirée par ses lèvres. Me demandant ce qui pouvait bien arriver de pire, j'avais approché mon visage du sien et avait déposé un baiser sur ses lèvres. Mon sang ne fit qu'un tour et mon cœur se mit à battre plus fort. La fougue s'empara de moi et je l'embrassa à pleine bouche. Mes yeux étant fermés, je ne remarqua pas la lueur qui s'échappait de ses lèvres pour entrer dans ma gorge. Doucement, ma peau reprit une couleur normale, mon visage reprit de la vigueur et ma force me revint. Seulement, le phénomène inverse se produisait chez sœur Morgane. Je ne séparais cependant mes lèvres de celles de la jolie brune que lorsque la fougue s'évanouit. Sœur Morgane, souriante, retomba dans son lit. Elle était morte. Les yeux écarquillés, j'avais reculé à grande hâte. La peur m'enveloppa et le lendemain, la vérité tomba. Les sœurs Lómenduil m'apprirent ma véritable espèce. Cette formation était la dernière. On ne m'apprit pas à contrôler mon pouvoir de drainage. Bien au contraire ! On m'apprit à user de mes charmes à mon avantage. Mais plus le temps passait et plus je comprenais que la magie allait pour moi être un don mais aussi une malédiction !

Mais tout cela appartient au passé qu'il est douloureux de ressasser ! Et bien que nombreux sont ceux qui disent que je n'ai pas été trouvée, que les sœurs m'ont en réalité prise de force à mes parents, je n'en ai jamais rien cru. Et lorsqu'elles furent toutes tuées, je me retrouva seule face à un monde dont on m'a appris à me méfier ! La raison pour laquelle je fus épargnée me regarde. En attendant, je me contente de vivre comme je l'entends. Il n'est pas temps de tuer Uther. Et qui sait ? Peut-être quelqu'un saura m'en dissuader ?

Je garde volontairement quelques clefs de l'histoire de Mélisende secrètes. D'abord parce qu'elle en ignore certaines, ensuite pare que sans cette part de mystère, cela serait sans doute trop aisé de la manipuler. Faites bien attention, le Succube est seul et se promène à son gré. Priez pour ne pas terminer dans ses draps.