« On est de son enfance comme on est d'un pays. »
Antoine de Saint-Exupéry

Je courais dans la douce neige qui recouvrait le sol depuis quelques semaines déjà. C'est donc heureux et comme chaque année que je me défoulais dans la neige qui se retrouvait non loin de chez moi, une petite maison au milieu de la forêt où je vivais depuis douze ans exactement avec ma mère. En effet, mon père avait été emporté par la maladie peu de temps avant ma naissance. Après avoir couru quelques minutes dans l'étendue blanche, je me laissais tomber dans celle-ci et regardais le ciel bleu, dégagé. Je restais immobile un instant, profitant de l'instant présent et de mon douzième anniversaire qui se trouvait être aujourd'hui. Soudain, on cria mon nom, je relevais doucement et vis une jeune femme, celle-ci avait de longs cheveux noirs comme les miens et des yeux bleus aussi clairs que le ciel. Elle me Souria et me fit un geste rapidement pour me dire de rentrer à la maison. Je me levais et courus rapidement dans les bras de cette femme, ma mère. Elle me serra à son tour contre elle, puis nous nous sommes dirigées vers la petite maison qui était la nôtre. Nous vivions tranquillement depuis si longtemps, je m'étais habituée à vivre seule au milieu de cette forêt avec ma mère et j'étais heureuse comme cela, en effet, je n'avais rien fait pour m'enfuir et je ne pensais pas que j'allais partir de sitôt. Les rares visites que nous faisions avec mère étaient justes pour vendre des provisions au marché, car le jardin que nous possédions nous donnait absolument tout ce don nous avions besoin pour vivre. Une fois à la maison je m'installais à la table et comme tous les ans, mère m'apporta un petit cadeau et cette fois-ci elle m'offrit une jolie cape à capuche marron foncé comme mes yeux. Après l'avoir essayé, nous avons mangé et puis parlé pendant des heures comme à chacun de mes anniversaires.

Le lendemain tout était redevenu normal et la routine s'installa de nouveau. Je m'étais donc levée peu de temps après ma mère qui était partie faire un tour dans la ville la plus proche comme elle m'avait déclaré devoir faire. Je m'étais préparée lentement, en prenant mon temps, car je n'avais absolument rien prévu d'important pour la journée et même pour la semaine. Après avoir mis lavée et vêtus de façon à être à l'aise pour le promener dans les bois, je mis ma cape sur mes épaules sans oublier ma petite capuche avant de sortir de la petite maison. Je marchais dans la douce neige à travers les arbres sans feuilles, laissant ainsi les traces de mes pas derrière moi. Je continuais sans but précis, ce que je faisais souvent lorsque je me promenais dans les bois en tentant de semer l'ennui.

J'étais tout ce qu'il y a de plus tranquille quand soudain j'entendis d'étrange bruit autour de moi. Je me stoppais net et regardais lentement autour de moi à la recherche de la source de ces craquements qui semblaient à présent m'entourer complètement. Je vis alors peu à peu des personnes sortir de derrière les arbres qui m'entouraient... C'était des brigands, mais que me voulait-il ? On devait pourtant s'en rendre compte que je n'avais pas grand-chose sur moi mis à part ma cape à capuche... Je commençais à paniquer quand ils s'avancèrent vers moi afin de me capturer. Je me mis en boule par peur tout en criant, car c'était la réaction tout à fait normale pour une fille de douze ans. Je redoutais que quelqu'un m'attrape, mais personne ne me toucha et je sentis peu à peu une source de chaleurs non loin de moi. Je relevais doucement la tête et je me vis qu'un cercle de flamme m'entourait en empêchant ainsi les brigands de s'approcher. Je me levais soudainement et regardais une fois de plus autour de moi en me demandant qui avait provoqué ce feu, mais il n'y avait que moi et mes ennemis. Une idée me traversa l'esprit afin d'expliquer ce feu... Je devais être une sorcière, dans ce cas-là, l'un de mes parents devait en être un aussi... Je devais en être certaine, mais pour le moment, je devais m'enfuir mais, comment ? Je commençais à paniquer de nouveau quand les flammes prirent de l'ampleur entraînant ainsi la panique de tous les brigands.

Je rentrais chez moi rapidement par peur de retomber sur des brigands, mais aussi dans l'espoir d'avoir des réponses à mes questions sur ce qui venait de se produire. Essoufflée, j'étais surprise de ne pas trouver ma mère à la chaumière, elle devait être en route pour la maison. En l'attendant, j'avais décidé de m'occuper du soupé comme il m'arrivait de le faire lorsque mère était en déplacement. Le soir venu, mère était enfin de retour, je lui laissais juste le temps de manger avant d'entamer la discussion tant attendue. « Maman, il faut qu'on parle - Ah, je t'écoute. - Est-ce que je suis une sorcière ? » En posant ma question, j'avais mon air le plus sérieux que j'avais en stock et ma mère semblait particulièrement surprise par ma question. Il n'a pas fallu beaucoup de temps avant que ma mère m'avoue que mon père était autrefois un sorcier au service d'un brigand et qu'il avait décidé de changer de vie après avoir rencontré ma mère. Ainsi, je pus enfin connaître l'histoire de la rencontre de mes parents et leur vie avant ma naissance et bien que ma mère sût que je poserais tôt ou tard cette question, elle aurait préféré que cela ne se produise pas avant mes dix-huit ans. Quand l'heure de me laisser porter par les bras de Morphe, j'avais le sourire aux lèvres, car j'en savais un peu plus sur mon histoire et celle de mes parents.

« Le moment présent est la piste désignée à tout nouveau départ. »
Louis-Marie Parent

En cette quatorzième année de mon existence, un événement que j'aurais préféré manqué se produisit. En effet, cela fait une semaine que ma mère a été emportée par la maladie, comme mon père et depuis je vis seule dans la petite maison que j'occupe depuis ma naissance. J'avais tenté de m'habituer à ma nouvelle situation, mais je n'arrivais pas à rester calme, à chaque fois un ordre de souvenir me prenait les tripes en me rappelant tous ceux que j'avais perdus. C'était donc très tôt dans la matinée et sur un coup de tête que je partis de chez moi avec le minimum d'affaire possible, mais toujours avec ma cape à capuche adapter bien évidemment à ma nouvelle taille. J'étais donc partis sans destination précise, je voulais juste partir, sortir un peu du passé et vivre le moment présent. Pour une raison que j'ignorais se sentais au fond de moi que je devais partir de cette maison et pourquoi ne pas voyager un temps...

Je marchais encore et encore sans m'arrêter ni même penser à l'endroit où je me rendais, car pour le moment je voulais juste m'éloigner de chez moi. Je traversais la forêt, virevoltant entre les arbres en me remémorant la découverte de ma véritable nature, en effet, je me rappelais encore très bien le jour de mes douze ans quand j'avais découvert mes pouvoirs et depuis ce jour je n'avais pas arrêté de m'entraîner. Je voulais savoir me défendre et pour cela je n'avais pas trouvé de solution mise à part celle de pouvoir contrôler mon don. Je m'étais également dit que savoir manier une épée serait bien et pour cela je m'étais rendu presque tous les jours dans cette forêt pour m'entraîner contre quelques arbres et j'avais évolué durant ces deux longues années.

C'était plonger dans mes pensées que j'avançais lentement dans la forêt qui devenait de plus en plus sombre à cause du nombre de végétations qui ne cessait d'accroitre. Quand je me concentrais de nouveau sur la route j'étais un peu perdu et je sentis une goutte d'eau, puis une seconde. J'avais choisi le bon jour pour voyager de toute évidence, car il commençait doucement à pleuvoir des cordes. Ne souhaitant pas tomber malade, je courus aussi vite que je pouvais et frappais à la première chaumière que j'aperçus. Un jeune homme m'ouvrit et m'offrit son hospitalité jusqu'à ce que la pluie se calme. Je le remerciais et entrais rapidement dans sa maison. L'inconnu m'invita à m'installer près du feu pour sécher mes vêtements, ce que je fis sans hésitation.

Je ne me doutais en aucun cas que la gentillesse du jeune inconnu n'était qu'une façade, en effet, après m'avoir invité auprès du feu il m'avait proposé un petit truc à manger et au moment où je voulais gentiment refuser, mon ventre me trahissait en gargouillant. Il avait donc insisté pour que je mange un petit morceau avant de repartir et ne souhaitant pas blesser le jeune homme je terminais par accepter. Soudain, je ne savais pas vraiment pourquoi, mais je me sentis incroyablement fatiguée. Je m'étais donc levée, puis avais remercié l'hospitalité du jeune homme avant de décider de repartir, mais je me sentais tellement faible que je ne marchais pas vraiment droit. Quand j'atteignis la porte l'homme se mit à rire en divaguant sur le fait que j'étais bien trop naïf et que je m'étais retournée je constatais qu'il avait sorti une épée de nulle part. Prise de panique et me sentant un peu faible je tentais de sortir mon épée à mon tour, mais tremblant elle m'échappa des mains. L'homme se mit à rire et m'attaqua. J'esquivais pour en finir avec une petite coupure et je courus aussi vite que je pouvais vers une fenêtre ouverte avant de continuer la course dans les bois qui étaient à présent sombres.

Je courais aussi rapidement que je le pouvais et à chaque fois qu'un arbre se retrouvait sur mon chemin je ne pouvais rien faire d'autres mis à part m'appuyer contre lui. Mon corps semblait devenir de plus en plus faible... Mais que m'avait fait cet homme, pourquoi je me sentais comme ça... Les derniers mots de l'homme me revirent en mémoire, étais-je si naïve que ça ? Non, je devais être plus prudente, plus méfiante envers les autres maintenant. En même temps, pourquoi avoir fait cela ? Cette question me hantait, mais je devais absolument me concentrer sur le chemin que je suivais, car je ne savais vraiment pas où il menait. Trop tard... Je dérapais quand j'entendis la voix de l'homme qui avait tenté que me transpercer avec son épée juste derrière moi et je glissais ensuite pour me retrouver à terre. Je voulais me relever, mais mon corps était trop faible, je ne pouvais plus bouger, je pouvais seulement entendre quelqu'un s'approcher doucement vers moi tandis qu'une autre personne courait. Je me concentrais alors dans l'espoir de pouvoir utiliser mes pouvoirs et je réussissais juste à créer une petite flamme qui s'éteignit aussitôt. Mes yeux se fermèrent alors pour me laisser dans le noir.

« Le destin n'est pas une chaîne, mais un envol. »
Alessandro Baricco

Je courais dans la sombre forêt en m'appuyant sur chaque arbre qui se trouvait près de moi à cause de mon corps qui était de plus en plus faible. Une voix retentissait entraînant ainsi une vague de panique dans tout mon corps ce qui me fis glisser et tombait au sol. Je tentais de me relever de toutes mes forces, mais mon corps était comme paralysé. J'entendis deux personnes se diriger vers moi, alors dans un dernier élan d'espoirs je tentais d'utiliser ma magie, mais rien n'en ressortit. Puis, mes yeux se fermèrent pour m'enfermer dans le noir complet et dans la peur de ne plus jamais revoir la lumière du soleil.

Je me réveillais alors en sursaut dans la chambre de servante que j'occupais depuis maintenant cinq ans. En effet, alors que j'avais pensé mourir cette nuit-là, un jeune homme et fils de seigneur me retrouvèrent dans la forêt alors que l'homme que j'avais pensé gentil tentait de me tuer. Le fils de hauts rangs m'avait donc sauvé, puis emmené dans son manoir pour finalement m'offrir un poste de servante sous ses services. J'avais hésité pendant quelque temps, mais il m'avait sauvé la vie et je lui en devais une. De plus, il semblait être au courant pour mon secret et je devais m'assurer qu'il soit bien caché avec lui. Finalement, au cours des années nous sommes devenues amis et ce malgré le fait que je sois qu'une servante.

J'avais à présent dix-neuf ans et une nouvelle vie comme servante avait commencé pour moi. Tout était parfait, malgré le fait que je devais sans cesse me cacher pour être totalement moi-même... Enfin, je pouvais être moi-même avec quelques personnes, une pour être précise. Au fil des années je m'étais également un peu endurcis pour éviter de répéter ce qui s'était produit lors de cette horrible nuit.